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Littérature - Digne les Bains - Prenant source dans la Haute Provence, mes romans entraînent les lecteurs dans la petite histoire des gens du peuple face à la Grande Histoire des Maîtres du Monde.

12 septembre 2012

EXTRAIT - L'anneau de Saint-Jérôme

 

 

 

L’anneau de Saint-Jérôme

 

 

Prologue

 

Digne - Février 1598

 

 

La fin du seizième siècle était à l’image de l’hiver. Terrible !

Les armes de la foi, de la peste et de la faim faisaient rude concurrence aux nuits glaciales pour offrir aux croquants et croyants de tous bords un aller simple au paradis !

Coincés dans un cul de sac entre les barres rocheuses des Dourbes et les premiers pics sauvages des Alpes, persécutés par cette sainte guerre des religions, les paroissiens de la cité épiscopale de Digne n’avaient pas d’autres solutions pour sauver leurs peaux, le soir venu, que de se réfugier à l’intérieur des remparts du château de Monseigneur, abandonnant chemins et sentiers de nuit aux manants, gueux de tout poil, fricoteurs de mauvaise foi, porte-balles et coupe-jarrets, prêts à occire le citoyen pour un demi-poil de cheveu.

 

                                       Première partie

 

                        Le baiser de la paix

 

 

Lundi 23 février 1598

 

 

- Uuuh, Ohhh ! Doucement, Noiraude ! chuchotait le Tienot dans l’oreille de la jument.

Un torchon de paille dans la main, il lui  bouchonnait les flancs avec fermeté pour tenter de la réchauffer.

C’était une nuit glaciale à pierre fendre !

Pas le moindre croissant de lune, pas la moindre étoile pour l’éclairer !

Peu importait !

Rien ne pouvait arrêter le Tienot d’Ourène !

A peine émergé de son sommeil, il se préparait à affronter une dure corvée pour charrier une série de billes de chênes du sommet de la forêt du Siron jusqu’à la scierie des Arches dans les faubourgs de Digne.

En plein cœur de la nuit, il avait abandonné la paillasse de son grabat et enfilé sa ceinture de flanelle sous la toile écorchée qui lui servait de chemise. Puis il s’était empressé d’avaler une demi-écuellée de soupe de blé noir avant de remplir sa musette d’un chanteau de pain.

 Aussitôt la jument harnachée, il engagea son attelage dans les ornières enneigées d’Ourène.

Le pas déhanché au côté du cheval,  la longe dans la main, il tira droit sur les Sieyes par le chemin du champ Tercier.

Giflé par un mistral aussi affûté que la lame d’un sabre, aveuglé par le gel, ne distinguant plus la présence des arbres, le Tienot fut obligé de stopper la jument à plusieurs reprises pour retrouver la direction des ornières enterrées sous une épaisse couche de bourbe verglacée.

Mais rien ne le décourageait, pas même sa patte folle !

Parpaillot de réputation comme tous ceux de la Réforme qui se cachaient dans les campagnes d’alentour depuis le massacre de la citadelle de Sisteron, le Tienot gardait de ces mauvais souvenirs qui avaient suivi la Saint-Barthélémy deux jambes qui refusaient de marcher en cadence.

Depuis quelques années, il avait réussi à se creuser un terrier dans l’enceinte d’une vieille ruine abandonnée du côté d’Ourène sur les contreforts du pic d’Oyse.

Avec le temps, il avait bouché les trous des murs, suspendu un semblant de toit d’ancelles et y avait logé femme et enfant.

Puis il s’était mis en tête de faire le charretier avec un triqueballe récupéré chez un vieil ivrogne au cou tranché un soir de gabegie par la lame d’une dague particulièrement bien aiguisée.

A peine arrivé au village des Sieyes, pressé de rattraper le temps perdu,  il alla frapper à la porte de Tancrède, un compagnon de fortune qui n’avait jamais cédé sa place pour défendre la cause des parpaillots.

Mais cette fois-ci, alors que le Tienot d’Ourène comptait sur les services d’un rendu pour un prêté, le camarade Tancrède n’ouvrit pas sa porte !

Faute de pouvoir réveiller ce frère d’armes, c’est la mère Manet qui fit les honneurs de la nuit au Tienot !

Fantôme échevelé à la bouche édentée, sortie d’un carnaval de l’épouvante par la porte d’à côté, pot de chambre à la main en guise d’autodéfense face à l’éventuel agresseur, la mère Manet se mit à claquer des gencives pour hurler sa colère en reconnaissant la mauvaise graine de parpaillot venue troubler son sommeil :

  • Tu-t’fous de moi, le parpaillot ! Est-ce que t’as d’la catafouine dans les châsses à la place des yeux ? T’y vois pas la croix rouge sur la porte.
  • Et alors ? interrogea le Tienot.
  • Y va crever de la peste, ton bonhomme lâcha-t-elle dans un ricanement de sorcière à faire trembler les arbres avant d’ajouter : 
  • Des bêtes comme celle-là, ça n’encombrera pas le paradis mais la peste nous fait au moins le plaisir de nous en débarrasser le plancher ! 

 

 

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