EXTRAIT - Il faut sauver le Saint-Esprit
Il faut sauver le Saint-Esprit
« Vivre, c'est faire vivre l'absurde. Le faire vivre, c'est avant tout le regarder » - Albert Camus -
Ben et Djamel MANSOUR, conduits par leurs gardes du corps respectifs, franchirent la porte du fond du corridor puis descendirent au rez-de-chaussée. Ils aperçurent alors les avocats qu’ils avaient rencontrés la veille à la gendarmerie. Broyé par l’attitude du Procureur, Ben ressentit un réconfort dans le regard de l’avocate qui lui avait rendu visite en garde à vue.
Ben savait que la rencontre avec le juge d’instruction, celui qu’on appelle le Curieux dans les prisons, allait être capitale car ce dernier avait le choix de le faire basculer, en quelques minutes, du statut d’homme libre à celui de détenu. Sur la porte du cabinet, il put lire le nom du Curieux auquel il allait être confronté.
Cabinet de Monsieur BIGOTIN
Juge d’instruction
Sous cette plaque officielle, une feuille de papier blanc avait été scotchée sur laquelle, une écriture manuelle précisait :
Affaire du Saint Esprit
Auditions du 18 décembre - Ne pas déranger
Après une attente d’une quinzaine de minutes, la porte s’ouvrit. CASALES sortit en compagnie de son avocat et de son garde du corps attitré. Un homme d’une trentaine d’années, le greffier, aussi sec que taciturne apparut à la suite du groupe. Il salua et demanda qui était l’avocat de Monsieur ATLAN.
- Maître, Monsieur BIGOTIN va recevoir votre client. Vous pouvez entrer dit le greffier avant de s’effacer pour laisser le passage.
L’avocate s’avança et pénétra alors dans le cabinet, suivie de Ben et de l’adjudant MORALES Levant à peine la tête, le juge BIGOTIN n’avait accordé qu’un bref « Bonsoir, Maître » en occupant ses petites mains grassouillettes dans le rangement de dossiers sur sa table de travail. La cinquantaine empâtée, le crâne chauve, une barbe châtaigne poivrée, un regard fuyant derrière des petites lunettes rondes à fine monture, tout cela donnait à Monsieur BIGOTIN une allure terne. Contrairement au Procureur, le pouvoir que détenait le juge d’instruction ne s’affichait pas dans l’allure du personnage.
Apparemment, le juge BIGOTIN ne tirait pas gloire de sa fonction. Il avait seulement l’assurance de celui qui est du bon côté de la balance, celui du bien et du Droit. Mais sa mine aigrie et désabusée trahissait la nausée qui l’envahissait lorsqu’il faisait face à un Chargé accusé de crime. Il faut dire, Ben l’apprit plus tard, que le juge était un croyant fervent. L’homme de foi guidait certainement l’homme de loi. Ben ne fut pas surpris, par la suite, d’apprendre que BIGOTIN disposait en permanence d’une bible cachée dans sa serviette de travail et qu’il lui arrivait de la sortir sur le bureau pour faire jurer un témoin qu’il savait croyant !
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