EXTRAIT - Porteurs de rêves
PORTEURS DE RÊVES
- 15 janvier 2009 -
- Marseille - - Hôpital de la Timone - 4 heures du matin -
Des cris de torture déchirent ma nuit !
Des ongles d’acier s’enfoncent dans ma tête...
Ils en arrachent lentement des lambeaux de chair.
La douleur est insupportable !
Depuis une éternité, ces hurlements sauvages se bousculent dans mon cerveau. C’est la cent millième fois que je regarde ma montre pour fuir ce carnage. Ces saloperies d’aiguilles me narguent, figées entre le trois et le quatre !
Seule illusion de lumière salvatrice, un rai de lune joue à saute-mouton sur le mur de la chambre.
Le cauchemar se prolonge...
Impossible d’échapper à la vue des ongles arrachés, des têtes fracassées, des nudités meurtries et des cris de loups qui les accompagnent.
Je voudrais tellement les écrabouiller et me perdre dans le labyrinthe du sommeil.
Tout au long de ma garce de vie, j’ai su repousser ces horreurs. La seule idée du devoir accompli expulsait aux oubliettes ces cadavres puants et je passais à autre chose.
Mais cette nuit !
Prisonnier d'une chambre d’hôpital dans laquelle je crève à petit feu, coincé dans ce grand caveau aux murs sans vie, pour la première fois, je me sens condamné à supporter les images de cette boucherie !
C'est sûrement l’effet des médicaments !
Peu importe la cause !
C’est avant tout le moyen de me débarrasser de ces fantômes que je dois trouver.
Je voudrais tellement que ce ne soit qu’un cauchemar !
Hélas...
La tromperie n’est pas de mise !
Chacun de mes mille milliards de neurones sait pertinemment que ces cris ont trouvé réalité dans une villa dominant Alger.
Je me revois, fier de mes galons de sergent, prenant toute ma part de travail dans la pratique de la Question.
A cette époque, mon ambition, comme celle des copains, flirtait avec le prestige d’un bataillon de parachutistes, fouetté, lui-même, par le patriotisme colonisateur.
L’État donnait l’exemple, se bandait les yeux, se bouchait les narines et accordait son feu vert en sous-main. De tous ses porte-plume, la bonne presse applaudissait fièrement nos succès.
Malheur aux renégats qui osaient crier au scandale ! Il leur en coûtait cher. N'avions nous pas pour noble mission d’exterminer les vagues de bombes terroristes mettant Alger à feu et à sang ? Cela suffisait à nous mettre à l'abri de toute critique.
Mais en plein cœur de cette nuit morbide, où est donc passée cette fierté qui transformait autrefois le moindre soupçon de culpabilité en une attaque injuste vis-à-vis d'un bataillon dévoué à la protection des foules innocentes ?
...
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